LE RITE DE MEMPHIS MISRAIM EN BELGIQUE : 1931 – 1940 (1)

Mar 13 Mar 2012, 17:49

LE RITE DE MEMPHIS MISRAIM EN BELGIQUE : 1931 – 1940

René PHILIPPE

INTRODUCTION

Nos recherches en vue de réaliser le présent ouvrage furent hypothéquées par la disparition des archives, au cours de la guerre de 1939-1945. entreposées chez un citoyen luxembourgeois (2). Elles furent en effet volontairement détruites par les responsables de leur conservation. Ils avaient pris peur à la suite d’une perquisition effectuée par les autorités allemandes dans les locaux appartenant dans les locaux appartenant à la firme de cet ami. Les souvenirs de quelques Frères, des papiers-correspondances et autres conservés dans des archives obédientielles et particulières, nous ont permis de reconstituer l’histoire de ces dix années ; encore que cette reconstitution soit approximative et recèle pas mal de zones d’ombre. Nombreux sont ceux, tant en Belgique qu’en France, que nous devrions remercier de leur aide. Ce sera cependant à un britannique que s’exprimera, en premier lieu, notre gratitude. Le F\ J. F. K., V\M\ de la R\L\ « Héliopolis » au Zénith de Londres (Memphis-Misraïm) nous a fait parvenir la documentation (photocopies) relative au « convent » (3) international de 1934 à Bruxelles.

Nous évoquerons le souvenir du F\ Jean Mallinger qui nous apporta une aide significative, voici déjà quelques années, lorsque nous avons entamé nos recherches. C’est le privilège de l’historien de dépassionner les conflits qu’il étudie. Excès de langage, injures et brocards s’épanouissent dans la « petite histoire » : qu’il nous suffise donc de signaler que la période sous revue vit de nombreux et violents conflits entre belges (Rombauts, Delaive-Mallinger), entre belges et français (Rombauts, Delaive-Bricaud, Chevillon), entre français (Chevillon-Lagrèze, Dubois) et même entre français et suisses (Chevillon-Reichel). Citons enfin le F\ Fernand Borné, récemment décédé, historien de la Maçonnerie Belge, qui possédait une collection impressionnante de documents d’origines diverses. Il nous avait permis de consulter ceux qui étaient susceptibles de nous intéresser. Nous croyons utile de les publier en annexe car nous ignorons ce que les originaux sont devenus, au fil des successions.

Le 6 mai 1970, feu le S\G\M\ René Devillez avait présenté, au cours d’une Tenue de la R\L\ « Memphis » (Z\ de Bruxelles), un morceau d’architecture sur le sujet qui nous occupe. Le canevas que nous en avions relevé nous a permis de recouper de nombreux éléments recueillis ailleurs.

LA FONDATION

Selon un document liégeois (4), à une date non précisée, le F\ Rombauts aurait reçu une charte du S\G\M\ Gérard Encausse (Papus). Cette date se situerait donc avant le 25 octobre 1916, jour de la mort du Grand Maître pour la France et ses Dépendances du Rite de Memphis-Misraïm. Aucun document autre n’est venu corroborer cette affirmation. Aucune activité du Rite n’a pu être contrôlée, en Belgique, durant les quinze années suivantes. Et pourquoi, dans ces conditions, avoir demandé une charte au S\G\M\ Jean Bricaud de France ?

Le 19 janvier 1931, ce dernier octroie une charte n°8 au F\ Armand Rambauts du G\O\ de Belgique, en vue de constituer au Zénith de Bruxelles, la R\L\ « Les Disciples de Pythagore » n°1. Le même jour, le S\G\M\ Jean Bricaud lui confère les Hauts Grades du Rite, y compris le 95^ème, et le nomme Grand Représentant pour la Belgique du Souverain Sanctuaire de France. Cette Loge, ainsi que toutes celles qui viendraient à être créées en Belgique, fonctionneraient sous l’autorité de cette puissance maçonnique et, en fait, sous celle du F\Rombauts. Sur la charte n°8, ce dernier ajouta le nom du F\ Mallinger qui devint le V\M\ fondateur des « Disciples de Pythagore », R\L\ qui existe toujours, fonctionnant au sein de la Grande loge de Belgique depuis la fondation de cette obédience (5)

Or, à en croire la brochure du S\G\M\ Bricaud (6), publiée en 1938, la présence du Rite en Belgique ne remonterait qu’à l’année 1936, avec la fondation du « Grand temple mystique » pour ce pays, passant sous silence cette charte qu’il avait lui-même délivrée. On connaît le lieu où se réunissait les FF\ des « Disciples de Pythagore » : il s’agissait d’un local sis à Saint-Gilles (agglomération bruxelloise) au-dessus d’un café à l’enseigne de « Taverne Guillaume », au coin de la rue de Moscou et de la rue de la Filature (à proximité immédiate de la Porte de Hal).

Au cours de la même année 1931, sont fondées à Anvers, la R\L\ « Lumen », n°2 (7) et à Liège, la R\L\ « Scientia vincere Tenebras », n°3, soit : vaincre les ténèbres par la science. Ces trois mots constituent la devise de l’Université libre de Bruxelles fondée en 1834 par le F\ Théodore Verhaegen et la R\L\ « Les amis philanthropes » (G\O\ de Belgique). Le V\M\ de la Loge liégeoise était le F\ Léon Batta, agent de change qui offrit ses bureaux pour y installer le temple, 37A rue de la Casquette. En mai 1933, les Tenues eurent lieu dans un local de « La Populaire », au n°18 de la Place du Maréchal Foch. En 1934, il fut transféré chez le F\ Defresne, Premier Surveillant.

Ce fut en 1932 que se constitua le premier Chapitre belge sous le même signe distinctif que la première Loge : « Les Disciples de Pythagore ».

L’ORGANISATION

Avec trois Loges et un Chapitre, le Rite entrait dans la phase d’organisation en se constituant en association légale (Association sans but lucratif dite A.S.B.L.) soumise à la loi du 27 juin 1921 ( 8 ). Cet acte permettait au Rite d’acquérir la personnalité civile : il pouvait intervenir désormais dans les actes légaux tels que location, achat et vente de biens mobiliers et immobiliers. En outre, le nom de l’association jouissait, à l’avenir, d’une protection légale. Parmi les constituants, nous retrouvons le F\ Defresne de Liège et le F\ Mallinger de Bruxelles. Le F\ Terfve représente la R\L\ « Lumen » d’Anvers au Conseil d’Administration. En revanche, nous n’y retrouvons pas les FF\ Rombauts et Delaive.

A ces noms, il faut ajouter celui du F\ Wittemans, avocat comme le F\ Mallinger, ancien sénateur, historien des Rose-Croix. Réfugié aux Pays-Bas durant la guerre de 1914-1918, il échappa à l’occupation allemande. Dès son retour en Belgique, il publia en 1919, une « Histoire des Rose-Croix » en langue néerlandaise. Le succès de cet ouvrage lui valut une seconde édition et la traduction en français. Cette dernière fut rééditée en 1979 par les Editions Baudoin, à Paris. Le nom du F\ Platounof reviendra, à diverses reprises, dans l’histoire du Rite.

Ces trois Loges avaient des contacts entre elles, comme en témoigne la mention manuscrite portée au bas de la convocation, en date du 10 décembre 1932, de la R\L\ « Les Disciples de Pythagore » : « Le 21, à 20 heures, le dîner rituel des trois Loges… » et cela, bien sûr, pour célébrer la Saint jean d’Hiver.

Le 22 août 1933, le grand représentant du Souverain Sanctuaire de France, le T\ Ill\ et T\ Sub\ F\ Armand Rombauts installe à Bruxelles la R\ L\ « Thot » n°5. Le 30 septembre de la même année, ce sera le tour de la R\L\ « Isis » n°6, appelée « Loge Templière » parce que pratiquant le Rite de Misraïm appelé également Rite Templier.

A cette époque fut introduite la mixité dans le Rite, mais elle ne toucha pas toutes les Loges. En réalité, une seule d’entre elles sacrifia à cette irrégularité. Peut-être s’agit-il des « Disciples de Pythagore », puisque le S\ G\ M\ Jean Bricaud annula la charte qu’il avait délivrée pour la constitution de cette Loge.