LE RITE DE MEMPHIS MISRAIM EN BELGIQUE : 1931 – 1940 (5)

Mar 13 Mar 2012, 17:56

LES DIFFICULTES

Dans la ligne du congrès fondateur de la F.U.D.O.S.I. nous assistons à un mélange incroyable de toutes ces organisations avec l’Ordre Maçonnique de Memphis-Misraïm. Le F\ Fructus travaille au regroupement des forces maçonniques et spiritualistes du « vrai Memphis-Misraïm ». L’intéressé avait déjà « fermé » (pour employer sa propre expression) l’Ordre Mixte en France, avant le 30 novembre 1935 et avait rallié le Souverain Sanctuaire de France (S\G\M\ Constant Chevillon) dont il avait obtenu sa régularisation. Il servit d’intermédiaire entre le G\M\ Chevillon et quelques FF\ belges, dans le but de leur faire réintégrer la régularité française. Il s’agissait des FF\ Balthus, Grangier, Oor (fils) auxquels se joindra le F\ Platounoff. Par cette régularisation, le G\M\ de France espérait trouver un point d’appui en Belgique pour l’extension de son Obédience. Les trois premiers avaient déjà prêté serment d’allégeance au Souverain Sanctuaire de France lorsque, le 30 novembre 1935, le F\ Fructus écrivait au F\ Balthus :

« Pour le G\M\ Chevillon et moi-même, le Martinisme est et doit rester une super-maçonnerie… ne peuvent prétendre au 1^er degré du Martinisme que les Maîtres Maçons, au 2^ème les 18^ème et au 3^ème les 30^ème. Nous supposons que ceux qui possèdent ces trois degrés sont de purs spiritualistes afin de bien comprendre, par la suite, la valeur mystique du Martinisme. »

A cette époque, l’Obédience Autonome Belge comprenait 40 membres à Bruxelles, 15 à Charleroi, 35 à Anvers, 3 à Liège. Des enquêtes sur des profanes sont en cours : 15 à Bruxelles, 8 à Charleroi, 3 à Anvers et 2 à Liège. Ce qui représente un total de 93 Maçons et de 28 candidatures de profanes en cours d’examen.

A Bruxelles, le 7 décembre 1935, il y avait encore 5 SS\ à la R\L\ « Les Disciples de Pythagore » alors que la R\L\ « Memphis », non seulement ne les initie pas, mais les exclut de ses travaux. A Charleroi, à la même date, il y a 3 SS\ mais la R\L\ « Osiris » n’en accepte plus. A Liège, la R\L\ « Sphinx » n’en veut pas non plus.

Demandant des diplômes de divers grades à Fructus, Balthus lui écrit :

« Je me permet d’attirer votre attention sur le fait que ce sont là des documents indispensables pour le cas possible où l’on doive prouver ses qualités régulières vis à vis des FF\ d’autres obédiences ou d’autres fraternités (sic). »

toujours, donc, cette confusion, même chez ceux qui se réclament de la régularité maçonnique. Le principe même du secret maçonnique interdit ce genre de symbiose. Appliqué en rigueur de termes, il interdit même qu’il soit jamais parlé, hors du Temple, de ce qui s’y déroule ; cette interdiction s’applique également aux FF\ qui étaient présents. Certains rituels du Rite Ecossais Rectifié prévoient la lecture de la Planche Tracée des Travaux, séance tenante, à la fin de ceux-ci.

Fructus était donc rentré dans la régularité française de Memphis-Misraïm et se trouvait en possession d’une patente du 95^ème degré, membre du Souverain Sanctuaire de France. Il avait si bien convaincu les FF\ Balthus, Grangier et Oor de l’imiter que le S\G\M\ « régularise » leur situation le 30 novembre 1935 ; le 20 décembre suivant, ils accusèrent réception de l’attestation qui leur en avait été délivrée.

Nous avons déjà clarifié le problème de la fondation de l’Obédience Autonome Belge de Memphis-Misraïm, conséquence de la rupture française avec la Belgique, justifiée, comme nous l’avons exposé.

En ce même mois de décembre 1935, au nom du S\G\M\ Chevillon, le F\ Fructus propose aux trois FF\ belges « régularisés » la fondation d’un Grand Temple Mystique dans la mouvance du Souverain Sanctuaire de France. Et cela, tout en souhaitant que l’on trouve un quatrième F\ à cette fin.

FONDATION D’UN GRAND TEMPLE MYSTIQUE (S\S\ DE France)

Elle devait avoir lieu à Bruxelles, au sein du Souverain Sanctuaire de France, avec droit d’initiation régulière dans l’obédience française. Le F\ Balthus souhaitait qu’un accord puisse se conclure entre le Souverain Sanctuaire français et l’Obédience Autonome Belge : le S\G\M\ Chevillon s’y opposa à cause de l’existence d’une obédience mixte. Il refusa fermement tout contact avec les FF\ Mallinger, Blanchard, Lagrèze, Dantinne, de même qu’avec Reichel et autres suisses. Fructus abonde dans le même sens : le Souverain Sanctuaire de France considère comme irréguliers tous les participants au Congrès International de la F.U.D.O.S.I., à Bruxelles, en 1934, donc aussi Rombauts et Delaive.

A ce moment, Balthus a, en fait, la délégation de G\M\ même si ce n’est pas officiel : cela devrait d’ailleurs l’être bientôt, dès la constitution du Grand Temple mystique. Pendant toutes ces transactions, le F\ Fructus servit d’intermédiaire entre le S\G\M\ Chevillon et le F\ Balthus (sans doute parce qu’ils se connaissaient bien). Selon ses propres affirmations, il servait également de relais entre le G\M\ et les FF\ étrangers. En outre, il aurait revêtu toute correspondance de ses avis motivés.

On travaillait à cette époque sur la base des Grandes Constitutions et Règlements Généraux de Memphis-Misraïm, établis par Yarker en 1872, sur les indications de Seymour ; mais on se servait surtout d’un abrégé mieux adapté aux besoins de la France.

S’étendant un peu plus sur ces problèmes d’irrégularité, Fructus, dans une lettre datée du 31 décembre 1935, précisait à Balthus :

« Mallinger n’a jamais reçu aucune charte ou dispense de Bricaud. La qualité de Grand Représentant du Rite fut donnée à Rombauts et la patente pour la Loge « Les Disciples de Pythagore » fut donnée à Rombauts lui-même. Mais peut-être a t-il pu introduire dans le texte le nom de Mallinger. Je n’en sais rien car les irrégularités se sont immédiatement déclenchées et nous avons rompu tout contact avec lui et la Belgique. »

ce texte reflète évidemment la pensée du S\G\M\ Chevillon mais il est amusant de la voir exprimée par Fructus qui, à l’époque, se trouvait du côté de Rombauts et Delaive et avait participé au Congrès de la F.U.D.O.S.I.

c’est alors que courut le bruit que Rombauts avait reçu jadis une patente de Papus qui l’aurait désigné en qualité de représentant pour la Belgique. Aucun recoupement, ni même la moindre allusion, ne nous a confirmé cette affirmation.

Il fut convenu que tous les FF\ de l’Obédience Autonome Belge qui feraient la demande, par l’intermédiaire du Grand Temple Mystique, obtiendraient leur régularisation du Souverain Sanctuaire de France. Dans cette même correspondance du 31 décembre 1935, Fructus faisait savoir à Balthus que :

« vous pouvez vous considérer tous trois comme réguliers et comme les représentants réguliers et authentiques pour la Belgique de Memphis-Misraïm. »

Toutefois, cette constitution d’un Atelier de Hauts-Grades devait se faire dans la discrétion la plus absolue afin que les « dissidents » en ignorent tout (recommandation de Fructus à Baltus, en date du 4 janvier 1936). « Cela, ajoute t-il, pour éviter, de leur part, toute campagne de diffamation. » On appelle les trois FF\ belges à la prudence lors d’un éventuel recrutement de FF\ de l’ancienne Stricte Observance ou de l’Observance Mixte.

Tout en ayant rejoint le Souverain Sanctuaire de France, le F\ Fructus n’en continuait pas moins de se considérer comme le Grand Hiérophante du Rite Mixte, à cause de sa survivance en Belgique. Il était en effet convaincu que Delaive et Mallinger convoitaient tous deux cette fonction !

Au point de vue féminin, seules sont envisageables, à cette époque, des loges d’Adoption : ce sera la solution adoptée en Belgique après la fin des hostilités. (28)

Toujours selon Fructus, il y avait collusion entre Delaive et Lagrèze suite à la radiation de ce dernier de l’obédience française et de la rupture de celle-ci avec la Belgique. Chavillon exigeait à la fois la disparition de l’obédience mixte et la soumission de Delaive. Ce deernier avait mis en sommeil la Stricte Observance pour des raisons de « politique maçonnique » alors qu’en réalité, il était opposé à la mixité. Nous verrons qu’il parviendra à la supprimer sans provoquer de conflit ni de rupture. Delaive ne tint aucun compte de ces exigences puisque, comme nous l’avons déjà exposé, il n’y avait aucun lien entre la Belgique et la France. Ce qui n’enlève rien à l’irrégularité engendrée par la mixité.

Par dispense, en date du 1^er janvier 1936 (29), le S\G\M\ Chevillon autorise le F\ Baltus à créer, en Belgique : Triangles et Loges sous les auspices du Souverain Sanctuaire de France.

En même temps, il accordait des patentes régularisant la situation des FF\ dont il a déjà été question : Baltus 91^ème, Grangier 90^ème et Oor (fils) 30^ème. A cette occasion, le F\ Baltus est prié d’entrer en relation avec le F\ François et de lui faire des propositions pour les rejoindre. Ce que fit Baltus qui est donc, à ce moment, le représentant de fait du Souverain Sanctuaire de France en Belgique.

Baltus eut des contacts fructueux avec le F\ Platounoff, ancien G\M\ de l’obédience mixte, démissionnaire en 1934 et qui deviendra G\M\ après la guerre de 1939-1945. Il lui est proposé sa régularisation française au 90^ème degré moyennant deux conditions : reconnaître qu’il avait été trompé et prêter un triple serment relatif à la reconnaissance du Grand temple Mystique Belge, sous les auspices du Souverain Sanctuaire de France reconnu comme autorité légitime et l’obéissance aux lois de la Maçonnerie orthodoxe légitime.

Ceci accompli, le F\ Baltus souhaite se décharger sur le F\ Platounoff des fonctions de Grand Représentant pour la Belgique du Souverain Sanctuaire de France : elles déterminent le titre de « Grand Maître de Lumière » (lettre du 11 juillet 1936 de Fructus). La patente du F\ Baltus précisait qu’il jouissait de ce titre depuis plusieurs années, ce qui est absolument incompréhensible si l’on se réfère aux événements énumérés ci-avant. Chevillon demanda à Baltus de se maintenir dans ses fonctions le plus longtemps possible.

Quant au F\ Platounoff, il est nommé délégué du Souverain Sanctuaire de France auprès du Grand temple Mystique Belge, dont il est en même temps membre revêtu du 94^ème degré. Il est désormais conseiller et doublure du S\G\M\ Chevillon en Belgique : il contrôle toutes les activités belges régulières et en rend compte à Lyon. Il est également le suppléant du Grand maître de Lumière : en cas de décès ou d’abandon de charge de celui-ci, il assure l’intérim de ces fonctions jusqu’à la nomination d’un nouveau titulaire. Le F\ Platounoff avait été nommé pour une durée de cinq ans et pouvait être cassé en cas de manquement aux devoirs de sa charge.

Au même moment, les « dissidents » belges s’efforçaient de renouer avec le Souverain Sanctuaire de France. Ils souhaitaient que l’on fasse table rase du passé et qu’une fédération soit créée entre le Souverain Sanctuaire de France et les Ateliers Belges.

Le 5 août 1936, se réunit pour la première fois à Bruxelles le grand Temple Mystique de Belgique sous les auspices du Souverain Sanctuaire de France.

Sous la présidence du T\Ill\F\ Baltus, Grand maître de lumière, étaient présents les FF\ Platounoff, Grangier et François qui étudient les contacts à prendre en vue d’étoffer leur Atelier et de fonder une Loge Symbolique. Ce fut bientôt chose faite, à Bruxelles, sous le signe distinctif de « La Rose ». Nous reproduisons ici, en annexe, la première page de son règlement intérieur, orné du sceau de la Loge. (30) (annexe page suivante).